MARIE
Chère amie,
Comme passent les années! La cigale grésille à nouveau dans les pins de la
montagne, et le paysan libanais lance au vent de la mi-août, la balle de son blé broyé sous les sabots de son âne et de son boeuf.
Chez nous, c'est le bourdon des machines à battre qui remplit le silence
de nos campagnes, comme de lointains murmures d'abeilles.
Et puis, un beau soir, pas comme les autres - car il fleure bon les dahlias,
les capucines et les premières bruyères - on se retrouve, un gros bouquet sur les bras, au seuil de nos Maries, avec quelque chose de la timidité de l'ange avant l'Ave de l'Annonciation.
- Salut à vous, Marie, pleine de grâces.
- Bonne Fête à vous, nos gracieuses Maries!
Le Seigneur doit toujours vous regarder avec une certaine prédilection, et
nous pouvons, grâce à ce nom béni, vous appeler bienheureuses.
Heureuse soyez-vous donc, Marie, en cette aube du 15 août, et bienheureuse
dans l'aube éternelle.
La cigale grésille encore dans les pins et, ce soir, le grain de la moisson
croulera son or dans le van du montagnard libanais,, tandis que là-bas les bourdons murmureront sur les bruyères d'Arvor. Comme passent les années!...
Néanmoins, que ces modestes fleurs, avec les dahlias et les capucines d'Annick,
de Michèle, d'Yves, de Robert, d'André, de Philippe, et de bien d'autres, parfument votre seuil rustique, la veille de la mi-août, ne serait-ce qu'un soir, un soir pas tout à fait comme les autres.
Tristan Dumanoir (Yves Cariou)
Faraya (par Reyfoun) - Liban - Le 19 août 1961
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